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Nos exiles dores

L'Express, 23 Mai 2004
T.Dudoit

 

«Francois Micheloud. Ce Lausannois, trentenaire, sait de quoi il parle: sa societe s'est specialisee dans l'accueil des ressortissants etrangers - de l'obtention du permis de sejour a la recherche d'un logement»

Si l'Helvetie n'est plus le paradis d'antan, elle reste un asile fiscal tres apprecie des contribuables les plus fortunes. Temoin ces Francais - pas forcement des vedettes - qui, chaque annee, continuent de s'expatrier de l'autre cote du lac Leman

C'est la commune residentielle la plus huppee du canton de Geneve, «la ville du bout du lac», comme disent les Suisses. Moins de 5 000 habitants sur 366 hectares peuples d'elegantes villas, aux portails imposants et aux vastes parcs arbores de cedres, de pins et de tilleuls. Ici, le prix du terrain a batir est deux fois plus eleve que partout ailleurs dans la region. Recemment, une propriete s'est vendue 40 millions de francs suisses - pas loin de 30 millions d'euros. «De l'exceptionnel», precise un expert de la societe Naef, «le specialiste de l'immobilier depuis 1881». On l'espere. Bienvenue a Cologny, «le coteau dore».

«Si je recois un certain nombre de candidats au depart, peu sautent le pas»

Sise sur la rive gauche du lac Leman, entre Jura et mont Blanc, la ville rassemble l'une des plus importantes concentrations de celebrites, retraites nantis, artistes en vogue et champions sportifs. Une colonie d'exiles de luxe, un repaire de people. C'est «Rissichic Park», ironise un chauffeur de taxi, sans doute feru de neologismes. Pour ne citer que les Francais, Jean-Claude Killy, Charles Aznavour, Henri Leconte, Jacques Lejeune, qui a fait fortune dans la production et la distribution de papier, ou encore Francois Dalle, l'ancien patron de L'Oreal, vivent la en toute discretion. Cologny? Son club de golf, ses paysages majestueux, son air pur, sa qualite de vie... et sa fiscalite clemente - la plus douce du canton. Le maire, Jean Murith, et le conseil administratif de la commune n'hesitent pas a en faire un argument electoral. Voila un an encore, lors du discours de legislature, ces ediles s'engageaient «resolument a combattre toute hausse de la fiscalite».

Nos exiles dores

Cinquante et un VIP - tous francais - dont nous avons retrouve la trace en Suisse. La liste est sans doute loin d'etre exhaustive! Mais le recensement de ces «delocalises» n'est guere aise. Non seulement cette colonie se montre discrete, mais elle est aussi mobile. Si Alain Afflelou, Yannick Noah, Jean-Louis David, Philippe Djian ont choisi de rentrer, d'autres, comme Philippe Hersant ou Eric Peugeot, viennent de s'installer.

Ces exiles, plus ou moins fortunes - 20 d'entre eux se hissent tout de meme dans le palmares des 300 plus riches de Suisse, etabli, chaque annee, par le magazine Bilan - peuvent etre classes en trois grandes categories. D'abord, la famille du spectacle au sens large, dominee par les chanteurs, a laquelle nous avons adjoint quelques electrons libres, comme l'ancien animateur de RTL et de France 3 Fabrice (de son vrai nom Francois Fabrice Simon) et les representants du monde de l'edition, tels Jacques Martin (le createur de BD, pere d'Alix, pas l'autre…) ou Christian Jacq, l'auteur francais le plus vendu a l'etranger. Depuis 1995 et sa premiere serie sur Ramses, l'egyptologue le plus celebre a ecrit 16 volumes (le dernier est sorti en librairies le 29 mars), tires a quelque 29 millions d'exemplaires! Puis les sportifs, tous issus de trois filieres - le tennis, la formule 1 et le cyclisme. Une exception: l'ancien skieur Jean-Claude Killy, qui, d'ailleurs, aurait pu figurer avec nos hommes d'affaires. A la retraite, comme Jean Taittinger, ou en activite, a l'instar de Benjamin de Rothschild, ces derniers cotoient quelques riches heritieres, a l'image de Corinne Bouygues, de l'ex-joailliere Caroline Arpels ou encore de Michele Bleustein-Blanchet, la fille du fondateur de Publicis. Certains sont connus; d'autres, comme Hugues de Montfalcon de Flaxieu, qui s'est illustre dans les nouvelles technologies, le sont beaucoup moins.

Parmi ce beau monde, enfin, beaucoup ont elu domicile en Suisse depuis des annees, a l'instar d'Alain Prost, alias «le Professeur», debarque en 1983. Quelques-uns, comme Alain Delon et Marie Laforet, ont meme opte pour la nationalite suisse. Mais, apres tout, quoi de plus normal pour les interpretes de La Rolls-Royce jaune et de La Fille aux yeux d'or?

- Affaires

Caroline Arpels (joaillerie)

Claude Berda * (AB Groupe, audiovisuel)

Famille Bich * (groupe Bic, stylos, rasoirs…)

Michele Bleustein-Blanchet * (publicite)

Corinne Bouygues (BTP, audiovisuel…)

Nicole Bru (ex-Upsa, pharmacie)

Pierre Castel * (groupe Castel, boissons)

Francois Dalle (ex-L'Oreal, cosmetiques)

Famille Defforey * (Carrefour, distribution)

Paul-Georges Despature * (Damartex, textile)

Brigitte de Gastines (ex-SVP, telephonie)

Daniel Hechter * (ex-pret-a-porter)

Philippe Hersant * (presse)

Michel Lacoste * (vetements de sport)

Jacques Lejeune * (ex-Alicel, papier)

Famille Lescure * (SEB, electromenager)

Robert Louis-Dreyfus * (groupe Louis-Dreyfus, telephonie…)

Francois Marland (ex-groupe Marland, distribution)

Hugues de Montfalcon de Flaxieu * (ex-Jet Multimedia, Internet)

Eric Peugeot * (automobile)

Dominique Pinault * (distribution, luxe)

Michel Reybier * (hotellerie, restauration...)

Benjamin de Rothschild * (Compagnie financiere Edmond de Rothschild, gestion)

Jean Taittinger * (champagne, luxe)

Gerard Wertheimer * (Chanel, luxe)

Roger Zannier * (groupe Zannier, textile)

- Sports

Jean Alesi, Arnaud Boetsch, Nicolas Escude, Guy Forget, Laurent Jalabert, Jean-Claude Killy, Henri Leconte, Amelie Mauresmo, Christophe Moreau, Cedric Pioline, Alain Prost, Patrick Tambay, Richard Virenque.

- Arts et spectacles

Isabelle Adjani, Charles Aznavour, Maurice Bejart, Bernard Clavel, Alain Delon, Fabrice, David Hallyday, Christian Jacq, Patricia Kaas, Marie Laforet, Michel Legrand, Jacques Martin.

* Figure dans le classement annuel des «300 plus riches de Suisse» - dont la fortune s'eleve au moins a 100 millions de francs suisses (environ 70 millions d'euros) - etabli par le mensuel economique Bilan. Sources: Micheloud & Cie, magazine Bilan, L'Express.

Si les Colognots sont bien lotis, ils ne sont pas les seuls. La Suisse entiere - naguere terre d'accueil de Calvin - reste un refuge, meme si elle n'est plus le paradis fiscal d'antan. Et ses immigres privilegies viennent de tous les horizons. Hier, Charlie Chaplin, Richard Burton, Georges Simenon, Vladimir Nabokov, Audrey Hepburn, Jean Anouilh, David Niven... Beaucoup y ont fini leur existence, comme Peter Ustinov, Jose Giovanni, Henri Verneuil, Gilbert Becaud, Frederic Dard ou George Harrison, le plus jeune des Beatles. Aujourd'hui y vivent Michael Schumacher, Tina Turner, Mohammed al-Fayed, Phil Collins, Athina Onassis-Roussel...

Le «Suisse» le plus riche du «classement des 300» (ceux dont les ressources s'elevent au moins a 100 millions de francs suisses) - etabli chaque annee par le magazine Bilan - est un Suedois: Ingvar Kamprad, 77 ans, le fondateur d'Ikea, dont la fortune est evaluee par nos confreres entre 14 et 15 milliards de francs suisses (environ 10 milliards d'euros), a elu domicile sur les bords du Leman, dans le canton de Vaud. «Un tiers des personnes recensees dans notre palmares sont des residents etrangers», explique, a Lausanne, Olivier Toublan, le jeune redacteur en chef du mensuel economique. Parmi ces gros poissons, on denombre pas moins de 20 Francais (dont 7 milliardaires en francs suisses!), pour la plupart - pres des deux tiers - bases dans le canton de Geneve.

Derniers venus, en 2003, et non des moindres, deux heritiers: Eric Peugeot et Philippe Hersant. Si le descendant de la celebre dynastie automobile et sa famille ont choisi le canton de Vaud, le fils du magnat de la presse s'est offert une propriete (trois batiments, dit-on, 770 metres carres au total) a Presinge, un petit village du canton de Geneve. Autres celebrites: la joueuse de tennis Amelie Mauresmo et l'ex-animateur de La Classe sur France 3, Fabrice. La premiere s'est installee a Geneve et le second, pres de Lausanne. La tribu des Francais - les «Frouzes», comme les surnomment parfois les Suisses romands - n'est visiblement pas pres de s'eteindre!

Chaque annee, ils sont ainsi nombreux, et pas seulement des vedettes, a s'expatrier de l'autre cote du Leman ou sous d'autres cieux pour fuir le fisc. Mais, de l'avis general, cet exode est tres difficile a quantifier. Aucune enquete (diffusable du moins) n'a ete realisee par la Direction generale des impots. L'an dernier, le rapporteur general (UMP) de la commission des Finances au Senat, Philippe Marini, grand pourfendeur de l'impot de solidarite sur la fortune (ISF), estimait a 11 milliards d'euros le montant des capitaux delocalises depuis cinq ans via le depart de quelque 1 800 contribuables. «Principalement vers les Etats-Unis, la Belgique, le Royaume-Uni et la Suisse, quatre pays qui ont en commun d'avoir un systeme fiscal qui, contrairement au notre, ne connait pas d'impot d'Etat sur le patrimoine», precise Gilles Carrez (lui aussi UMP), l'homologue de Marini a l'Assemblee nationale. Gare, pourtant, a ne pas exagerer ce phenomene. «Si je recois un certain nombre de candidats au depart, peu, finalement, sautent le pas», tempere Me Patrick Michaud. Et cet avocat parisien de raconter l'histoire de ce client qui souhaitait s'installer en Suisse, a Campione, pres de la frontiere italienne. «Je l'ai invite a y vivre une quinzaine de jours. A son retour, il avait renonce a son projet...»

La question reste quand meme sensible. Et continue de soulever regulierement des debats entre ceux qui jugent la fiscalite francaise sur les hauts revenus «confiscatoire» et d'autres qui y voient un element essentiel de la solidarite republicaine. Dans son rapport, intitule «Revaloriser le travail plutot que l'impot», Gilles Carrez pronait, cet automne, une reforme du systeme, associee a une amnistie fiscale afin de faire revenir en France, moyennant une taxation relativement modique, ces expatries et leur fortune. Mais cette idee - deja mise en pratique en Italie et en cours de realisation en Allemagne - parait, de ce cote-ci des Alpes, provocatrice. Ainsi, le 6 mai, il a suffi que Jean-Pierre Raffarin propose, a mots couverts, de mettre en place une telle operation pour declencher aussitot une vive polemique. Rien n'indique, par consequent, que ce projet aboutisse et, s'il aboutissait, qu'il se revele efficace. Un arret de la Cour europeenne de justice, rendu le 11 mars 2004, pourrait, au contraire, concourir a encourager les candidats a l'exil! La Cour vient, en effet, de condamner certaines dispositions fiscales francaises qui, jusqu'a present, permettaient a Bercy de taxer les plus-values latentes des contribuables desireux de s'installer dans un autre Etat membre de l'Union europeenne ou dans certains pays, comme la Suisse, avec lesquels la France a signe une convention. Cet obstacle dissuasif est desormais leve.

L'Helvetie n'a donc pas fini de faire valoir ses atouts. Aupres, en tout cas, des plus riches et des oisifs. Car, contrairement a une idee recue, la pression fiscale y est plutot plus forte pour les salaries qu'en France. Seuls les contribuables aises et ceux, bien sur, qui sont le plus lourdement taxes - c'est-a-dire une minorite des quelque 70 000 Francais residant aujourd'hui en Suisse - y trouvent veritablement leur compte. A cote du chocolat, des couteaux et de l'horlogerie, la Suisse propose a ses happy few une autre de ses specialites: le forfait fiscal - reserve aux ressortissants etrangers n'exercant aucune activite lucrative en Suisse. Selon l'Office federal des contributions, base a Berne, 2 994 personnes - toutes nationalites confondues - beneficiaient en 1997-1998 (derniere statistique connue!) de cette formule avantageuse. Plus de 90% d'entre elles vivaient dans cinq cantons: Geneve, Vaud, Valais, Grisons et Tessin.

De quoi s'agit-il? Ce forfait est un impot fixe, negocie avec les autorites, paye en lieu et place des impots ordinaires sur le revenu et la fortune, et calcule sur les depenses du contribuable - son train de vie en quelque sorte. En pratique, l'administration helvetique considere qu'il doit representer au minimum cinq fois le montant du loyer annuel de la personne assujettie ou de la valeur locative du logement dont elle est proprietaire. Le forfait ne tient donc pas compte du niveau de fortune ou des revenus reels! Quoi qu'il en soit, regime forfaitaire ou ordinaire, les contribuables les plus aises sont, a l'arrivee, certains d'alleger leur facture au regard de la pression fiscale qu'ils auraient du subir en France. Pour memoire, le taux superieur du bareme de l'impot sur le revenu s'eleve a 48,09% dans l'Hexagone. Quant aux patrimoines de plus de 15 millions d'euros, la taxation est de 1,8%. Voila qui vaut la peine de se mettre au calcul local - septante, huitante, nonante et autres expressions sonnantes et trebuchantes!

Ce traitement favorable est d'autant plus appreciable que les autres impots (sur les successions ou les donations) sont, pour le coup, particulierement faibles ou en voie de disparition, voire inexistants (absence, par exemple, d'impot sur les plus-values mobilieres). Mais, a ce stade, il convient de faire une pause. Car les candidats a l'exil doivent prendre conscience, une fois traverse le Leman, qu'ils s'installent dans une confederation forte de 23 cantons (et de 2 900 communes) qui se livrent a une farouche concurrence fiscale pour attirer le chaland. En fevrier dernier, Frasco, un patelin tessinois de 113 habitants, niche au fond de la jolie vallee de Verzasca, faisait de la retape, via son site Internet, pour trouver un millionnaire pret a s'installer sur ses terres! Pour le maire, Fabio Badasci, la venue d'un nouveau Cresus local suffirait pour abaisser le taux d'imposition de sa commune «de 100 a 30, voire a 20%».

«Une minorite de cantons conservent un "impot sur la mort"»

Si anecdotique soit-elle, cette histoire est revelatrice du climat qui regne de l'autre cote du Leman. Mais, en realite, la concurrence s'exerce surtout au niveau des cantons, qui fixent et prelevent les impots sur les successions et les donations. Et, la encore, la tendance s'oriente clairement vers toujours moins de charges fiscales. Dans une opinion, parue dans le quotidien Le Temps, le 28 juillet 2003, un universitaire, Marius Brulhart, s'alarmait de constater que «les impots sur les successions tombent comme des dominos». En 1990, si la grande majorite des cantons conservaient encore un «impot sur la mort», comme disent les Americains, tres peu le maintiennent aujourd'hui. Le 8 fevrier dernier, pres des trois quarts des Genevois ont accepte, a leur tour, d'exempter les conjoints et les heritiers en ligne directe (pour les successions et les donations). Bemol: cette exoneration ne concerne pas les beneficiaires d'un forfait fiscal. Ceux-la peuvent se consoler: le taux maximal d'imposition s'eleve ici a 6%.

Cette rivalite intercantonale est bien reelle. Dans l'absolu, l'ideal est de finir ses jours dans le canton de Schwyz. Ici, au sud-est de Zurich, les heritiers ne paient pas d'impot, meme s'il n'existe aucun lien de parente avec le defunt! En Suisse romande, il est aussi de notoriete publique que Vaud est - fiscalement parlant - plus interessant que Geneve. L'explosion des prix de l'immobilier dans et autour de la cite de Calvin, doublee d'une politique elitiste pour les forfaits, rend, de fait, cette region moins attirante. «A Geneve, on n'octroie pas de forfait a moins de 300 000 francs [suisses] de montant imposable», convient Stephane Tanner, directeur des affaires fiscales et juridiques du canton.

Promis jure: la recherche d'economies fiscales n'est pas le souci premier des «exiles», si l'on en croit - lorsqu'ils veulent bien evoquer ce sujet tabou - les interesses ou leur entourage. Confirmation a la lecture des temoignages recueillis par Arnaud Bedat, du magazine L'Illustre, qui connait son gotha par c?ur. En vrac et dans un meme elan, tous les people vantent d'abord les attraits de Geneve: sa position «a trois heures de Paris», la qualite de ses infrastructures et de son environnement, la reputation de ses ecoles, ou encore ces Suisses «si respectueux de la vie privee»... «Croyez-moi, ceux qui sont prets a se faire violence pour payer moins d'impots partent s'installer ailleurs, aux Bahamas ou en Andorre», plaide Francois Micheloud. Ce Lausannois, trentenaire, sait de quoi il parle: sa societe s'est specialisee dans l'accueil des ressortissants etrangers - de l'obtention du permis de sejour a la recherche d'un logement. Sur son site Internet, Micheloud n'en vante pas moins les avantages et la douceur de la fiscalite locale... Et, lorsqu'il raccompagne les clients venus le consulter, il ne manque pas de les inviter a prendre un lingot. Du calme, ce n'est que du chocolat.

Post-scriptum

L'impot de solidarite sur la fortune (ISF) a rapporte a l'Etat 2,1 milliards d'euros en 2002, pour un patrimoine taxable de 483,6 milliards. Pres de 281 500 Francais ont acquitte cet impot. Malgre un rendement en baisse depuis deux ans, le produit de l'ISF a cru de plus de 1 milliard entre 1992 et 2002.


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