Suisse 
La Suisse, ce doux refuge fiscal
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mercredi 6 janvier 2010
Par Yves Genier
Toujours plus d’étrangers fortunés s’installent dans le pays pour échapper au fisc de leur pays. Les jeunes actifs détrônent les préretraités au forfait

Les riches étrangers sont toujours plus nombreux à chercher refuge en Suisse. Outre des taux d’imposition généralement inférieurs à ceux de leurs pays d’origine, ces migrants aisés apprécient le maintien du secret bancaire traditionnel – qui garantit la distinction entre la fraude et l’évasion fiscale – pour les personnes domiciliées dans le pays.

L’immigration de luxe n’est pas un phénomène nouveau. Mais elle tend à s’accélérer depuis deux ans. «Ce sont des centaines de personnes qui transfèrent leur domicile chez nous», affirme François Micheloud, responsable d’une société lausannoise spécialisée dans l’assistance aux étrangers désireux de s’établir sur territoire suisse.

La partie la plus visible de cette immigration est l’augmentation du nombre de contribuables bénéficiant du forfait fiscal, en principe des retraités fortunés. C’est à leur intention qu’a été créé il y a près d’un siècle ce statut (lire ci-dessous), qui base le calcul de l’impôt non pas sur la réalité des revenus et de la fortune mais sur un accord préalable fondé sur les charges de logement en Suisse.

Les forfaitaires se font néanmoins dépasser en nombre par des immigrants plus jeunes et disposés à se soumettre aux règles courantes d’imposition. «Pour un nouvel arrivant au forfait, ce sont trois immigrants fortunés qui s’installent dans le pays», relève François Micheloud, dont le cabinet lausannois a vu doubler le nombre de riches candidats étrangers à l’immigration depuis le début de 2008.

Les immigrants sont avant tout des entrepreneurs, français ou allemands, qui ont vendu leurs entreprises et cherchent à mettre le bénéfice de ces cessions légalement à l’abri des autorités fiscales de leurs pays. «Il n’est pas besoin d’être immensément riche pour bien vivre. Une fortune de 3 à 5 millions d’euros suffit à garantir un revenu annuel de 150 000 à 200 000 francs», relève un gérant. On y trouve aussi des gérants de fonds en plein exercice de leurs activités, notamment des Britanniques, des Américains, des Australiens ou des Néo-Zélandais. Découragés par les hausses d’impôts anoncées au Royaume-Uni, ils se transfèrent de préférence dans la région de Genève, la plus anglophone et la plus internationale du pays. L’expert fiscaliste Thierry Boitelle, du cabinet d’avocats genevois Altenburger, estime à environ 120 le nombre de ces gérants qui ont emménagé depuis 2007, dont une trentaine actifs dans les fonds alternatifs.

On y trouve aussi, plus rarement, des salariés prêts à se lancer à la recherche d’un nouvel emploi en Suisse plutôt que de déclarer leurs avoirs dans leur pays d’origine. «Ce sont typiquement des cadres, notamment français, qui disposent d’une fortune, généralement héritée, de plus d’un million d’euros déposée en Suisse depuis longtemps. Ils préfèrent démarrer une nouvelle vie professionnelle dans notre pays plutôt que de payer beaucoup d’impôts pour le prix de leur régularisation», détaille François Micheloud.

Le niveau d’imposition est-il vraiment plus favorable en Suisse qu’ailleurs? Avec des taux marginaux proches de 45%, Genève n’est guère plus attractive que Londres. Néanmoins, un résident non forfaitaire peut espérer raisonnablement une économie d’impôts de 30% à 40% par rapport à ce qu’il payerait à l’étranger, selon François Micheloud.

Un forfaitaire peut abaisser le montant déterminant de son imposition. Il peut résider dans une demeure relativement bon marché afin de minimiser sa charge locative, laquelle sert de base de calcul à son forfait. Il peut placer ses avoirs en titres et en devises étrangers afin d’éviter que leurs rendements ne soient soumis à la fiscalité suisse et élèvent l’assiette de l’impôt.

Le non-forfaitaire qui gère son entreprise peut domicilier sa société dans une juridiction qui ne taxe pas ou peu les revenus de l’épargne comme Jersey, Guernesey, Malte, voire le Luxembourg. Les bénéfices réalisés échapperont à l’impôt helvétique et, grâce aux accords de double imposition, ils ne seront pas non plus soumis à l’imposition locale, précise François Micheloud.

Un gérant de hedge fund échappe à l’impôt sur les revenus générés par son fonds si ce dernier est domicilié, par exemple, aux îles Caïmans. Le fisc genevois admet que le centre de gravité du fonds se situe à l’étranger. Seuls les revenus directement versés au gérant font l’objet d’une taxation sur le revenu en Suisse, détaille Thierry Boitelle.

Les autorités fiscales suisses, aussi bien fédérales que cantonales, sont non seulement conscientes de ces méthodes, mais les encouragent. C’est le Département genevois des finances qui met en avant les astuces à disposition des gérants de hedge funds. Les Chambres fédérales ont renoncé au début de la session d’étendre aux cantons le système d’échange d’informations prévu par les nouvelles conventions de double imposition.

Ce qui compte, pour elles, c’est le résultat final. Les 1267 forfaitaires du seul canton de Vaud ont payé près de 100 millions de francs d’impôts cantonal et communal en 2008, dernière année pour laquelle des chiffres ont été publiés. Genève, qui en compte 683, a levé plus de 60 millions. Les inspecteurs du fisc s’assurent avec sérieux que les étrangers au forfait n’exercent pas d’activités rémunérées en Suisse mais ne vérifient pas systématiquement la fréquence de leurs séjours à leurs adresses officielles. «Ils ont d’autres priorités», souligne-t-on dans les administrations fiscales.


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